Alfred Richard fait partie de ces gens auxquels il suffit de dire bonjour pour qu’ils vous expliquent le reste. Le bonheur des interviewers. 24 ans, polytechnicien (X 2018), brillant, prolixe mais sachant se taire, joyeux drille mais conscient de toute limite, ne manquant pas d’assurance sans jamais verser dans l’arrogance, Alfred Richard est de ceux qui réalisent des choses impossibles en faisant semblant de ne pas savoir qu’elles le sont, avec la préscience que le monde leur appartient à condition qu’ils se donnent la peine de le cueillir (à ne pas confondre avec ceux qui pensent que le monde est à eux sans rien faire).
Alfred Richard et ses amis associés - Inès Multrier (X 2018), Octave Locqueville (X 2018) et Julien Bou Abboud (ISAE-SUPAERO) - s’en donnent la peine, et ont créé à cet effet Nelson, start-up qui développe une solution utilisant la data science pour faciliter l’électrification des flottes de véhicules. Dans toute entreprise, quand bien même émergerait-elle à peine des fonts baptismaux, il faut un président. Des premières lignes, il ressort clairement qu’Alfred était tout désigné pour le rôle. Que lui ont donc confié avec plaisir ses associés. Et qui l’amène jusqu’à Inspirations.
Relation humaine
Parisien pour jus, père ingénieur télécoms, mère directrice commerciale mais avec une fibre créatrice, une grande sœur consultante, un petit frère en école d’ingénieur. Au sein d’une famille plutôt versée scientifique, Alfred a toujours aimé se challenger. Ecole, collège, lycée vécus tranquillement : il était fort en maths (il était fort en tout) et toujours prêt à donner un coup de main à ses copains. Par goût de la difficulté (« c’est difficile ? Alors je le fais ! »), il s’offre une prépa Ginette qui l’envoie à Polytechnique - tant qu’à faire. Les sept mois de formation militaire, passés dans l’armée de terre, la Légion étrangère et les parachutistes le font « sortir de la zone de confort que j’avais toujours connue. C’est une belle expérience humaine. »
L’expérience et la relation humaine, c’est d’ailleurs ce qu’il travaille le plus à Polytechnique, sans aller en cours plus que de raison. Il se fait violence en choisissant le rugby comme discipline sportive obligatoire alors qu’il préfère le poids des mots aux chocs des ‘poteaux’. « Mais à travers l’esprit d’équipe, l’ambiance, j’étais dans mon élément. » Il prend en charge l’animation du XV, et l’organisation des soirées de l’X. On verra dans ces dispositions le côté altruiste et généreux d’Alfred Richard. « Les autres m’importent. Cela fait partie de mon éducation. J’aime m’investir envers eux, sans objectif de reconnaissance, mais vraiment pour donner de moi-même. Parfois, cela peut être mal interprété, d’ailleurs… Mais j’ai beaucoup appris en donnant. » Ce qui l’a amené à être bénévole de l’association ‘A bras ouverts’, en qualité de brancardier accompagnant en pèlerinage à Lourdes des malades avec lesquels il partage ses valeurs catholiques, ou encore de ‘En Cordée Pour Avancer’, pour faire découvrir la montagne à des jeunes issus de milieux défavorisés.
« On ne se pose pas de question et on y va… »
Pour terminer son cursus à Polytechnique, Alfred Richard s’oriente vers le Master of Sciences X-HEC Entrepreneurs. Pourquoi cette formation ? « Vaste question. Parce que l’entrepreneuriat est une façon d’organiser, d’exercer un leadership, d’aller plus loin… Parce qu’après avoir grandi et mûri à Polytechnique, j’aurais enfin la possibilité ‘d’entreprendre’, c’est-à-dire de faire des choix, comme autant de nouveaux défis, de créer quelque chose par moi-même, et de préférence avec d’autres personnes. »
C’est pendant ce master que l’équipe Richard/Multrier/Locqueville/Bou Abboud se fonde. « Nous partageons la même ambition. » Du genre qui donne envie de donner corps à ses envies, pour s’épanouir, quasiment ‘à l’intuition’, « on ne se pose pas de question et on y va… ».
Sauf que quand on a la tête bien faite, et de surcroît bien pleine, on se pose quand même des questions. Les bonnes. Le quatuor réfléchit, confronte ses réflexions au terrain pour déterminer ce qui est le plus cohérent par rapport auxdites réflexions, afin de trouver l’ambition qu’il veut servir. On ne s’attarde pas sur la meilleure formulation (eiπ + 1 = 0, par exemple), mais le résultat donne Nelson.
1er prix X-Impact Tech
« Nelson est une réponse à ce problème majeur qu’est aujourd’hui la transition énergétique. Avec Nelson, nous construisons une solution de référence pour la gestion d’une mobilité plus durable, plus abordable, plus optimisée. Dans cet environnement complexe et contraignant pour les entreprises, qui doivent faire évoluer leur flotte de véhicule thermiques vers l’électrique dans le cadre de la stratégie de décarbonation, nous proposons d’accompagner cette transition, en développant un logiciel qui agrège et valorise toutes les données conduisant à la mise en œuvre de la meilleure stratégie d’électrification. »
Bien vu ! Tellement bien vu que Nelson a enlevé la palme de l’édition 2022 du prix X-Impact Tech, récompensant des projets technologiques à impact social et/ou environnemental, portés par des étudiants ou des jeunes diplômés de l’École polytechnique et des écoles membres de l’Institut Polytechnique de Paris.
« Nous avons encore du chemin à parcourir et des incertitudes demeurent. Il faut les lever. C’est amusant ! Mais il y a une stratégie qui se dessine clairement et nous sommes convaincus d’être sur la bonne voie. De grands comptes, de grandes entreprises nous font confiance. Ces clients pionniers ont compris notre vision, qui épouse la leur. »
Admiration et fierté
Tout est dit, ou presque. Car il y a peut-être une chose que Monsieur Richard père ne sait pas, ou pas encore, c’est l’admiration que lui porte son fils. Il est le modèle auquel Alfred s’identifie, avec la volonté, plus ou moins avouée, de le ‘dépasser’ un jour. S’est-il jamais douté, Monsieur Richard, de la fierté de son rejeton (où se loge la fierté, tout de même, surtout juvénile !) lorsque celui a mesuré, en taille, un centimètre de plus que lui ? Toutefois, dans une famille où la confiance a toujours été érigée en mode de fonctionnement, Alfred n’a jamais parlé de Nelson (la start-up, pas l’amiral !) à son père, qui a pourtant lui-même créé quelques entreprises. « Je n’ai pas voulu lui demander son avis, pour me prouver que j’étais capable de faire moi-même mon chemin dans la démarche entrepreneuriale, en toute autonomie. » De quoi justifier une certaine fierté. Paternelle, bien sûr…