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Marc Salomon

Aux petits soins

Lorsqu’il prend congé, Marc Salomon ne vous gratifie pas d’un prosaïque « au revoir », mais plutôt d’un chaleureux « prenez soin de vous ». Comme une sorte de déformation professionnelle pour ce cardiologue devenu spécialiste de prévention.

Marc Salomon

Si l’on demande à Marc Salomon de retracer ses activités professionnelles, il faut s’assurer que l’on dispose d’un peu de temps, car la liste est longue comme un jour sans pain.
Pour appréhender son parcours, le plus simple est de retenir qu’il est avant tout médecin. Spécialisé en cardiologie. Il aime rappeler qu’il a opéré (à tous les sens du terme) pendant deux ans au cœur de la brousse africaine. Puis il s’est intéressé d’encore plus près à la réanimation post-opératoire en chirurgie cardiaque. Une discipline visant à « remettre en ordre de marche » des patients aux lourdes pathologies - sinon à réveiller les morts…
Devenu tôt chef de clinique, une carrière hospitalière et universitaire lui tendait les bras. Mais il fallait d’abord passer sous les fourches caudines des mandarins en place, ce qui ne laissait pas d’irriter ce rebelle dans l’âme. Il n’entre pas dans la carrière mais dans le secteur privé en rejoignant une clinique marseillaise.

Du curatif au préventif

« J’ai exercé pendant 25 ans, environ. J’ai connu la cardiologie à l’heure où la discipline ‘explosait’. Et puis, un jour, vient la prise de conscience que dans certains métiers difficiles il faut savoir prendre du recul avant d’être… moins bon.  »
Il passe alors du curatif au préventif, conception anticipative de la médecine illustrée par le fameux adage « mieux vaut prévenir que guérir », dans cette optique schématisée par le fait d’accroître au maximum l’espérance de vie sans maladie ni handicap (et idéalement jusqu’à l’heure dernière, bien sûr !)*.
En résumé, c’est ainsi qu’il co-fonde et dirige Le Figaro Santé.fr ; crée des sociétés de services dédiées à l’éducation et à la prévention santé ; développe des programmes d’éducation santé et thérapeutique pour des laboratoires pharmaceutiques, des compagnies d’assurance, et même la Sécurité sociale ; intervient comme consultant pour des think tanks et des institutions ; rédige des ouvrages sur le sujet (« Le guide de l’équilibre santé », « Pour en finir avec le stress »…).
En 2015, il fonde Anticipation Santé, société de conseil spécialisée dans le secteur de la e-santé et de l’éducation thérapeutique qui accompagne des start-up développant des programmes d’observance/parcours de soins - avec un business model très simple, puisqu’il est rétribué en fonction des résultats : «  C’est ma façon de les aider à aller plus vite et plus loin  » dit-il.
Ajoutons qu’en 2020, les éditions du Panthéon ont publié son premier roman, « La race des seniors », dont la phrase initiale donne le ton : « Ce n’est pas parce que l’on a un pied dans la tombe qu’on doit se laisser marcher sur l’autre » - ça, c’est son côté rebelle, évidemment.

Expérience et cheveux blancs

Aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de la prévention, Marc Salomon observe et regrette que les choses évoluent peu en la matière : « Le budget consacré à la prévention tourne autour de 2,3/2,4 % de l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie depuis une vingtaine d’années. Tant que l’on ne franchira pas la barre des 10 %, il n’y a aucune raison pour que les choses aillent mieux.  » Il relève également que si les Français prenaient correctement les médicaments qui leur sont prescrits, cela suffirait pour maîtriser le déficit de la Sécurité sociale - et sans doute améliorer leur santé, donc… Seulement voilà, «  la prévention n’est efficace que sur le moyen et long terme, une temporalité qui n’est pas celle des hommes politiques. Quand il n’y aura plus de place dans les hôpitaux - regardez ce qu’il s’est passé avec la Covid-19 -, quand les assureurs diront ‘si vous fumez votre prime sera multipliée par 3’ - on y vient, aux USA, en Nouvelle-Zélande… - peut-être que l’on consacrera enfin du temps au sujet durant de la formation des médecins.  »
Reste qu’avec les start-up et l’intelligence artificielle, on peut envisager, au-delà d’une médecine préventive, une médecine prédictive. « Le problème, c’est que tout le monde pense que si on achète des datas, on va tout prédire. Mais les algorithmes ne sont pas encore au point : il fait déjà recueillir des données, les structurer, en tirer des statistiques… Il y a encore du boulot et il ne faut pas faire de promesse sur le délai. Je pense même que je n’en verrai pas la réalisation. Mais il faut être optimiste, sinon je n’accompagnerais pas les jeunes entrepreneurs, en essayant de les ramener à une nécessaire humilité - c’est l’avantage de l’expérience : les cheveux blancs, ça peut servir… »

Dans le ’iPhone de Madame Salomon…

A part ça, et fort de ce qu’il préconise - il ne fume pas, fait du sport, surveille son poids, « mais je ne suis pas un ascète et je bois aussi des canons » que l’on suppose naturellement modérés - Marc Salomon se porte comme un charme. « Je dors peu et je lis beaucoup, c’est un vrai hobby. Comme mon épouse est musicienne et que nous habitons à 10 minutes du plus grand festival international de piano du monde - La Roque d’Anthéron - nous passons nos étés dans ce merveilleux univers de musique classique. Nous avons quatre enfants et huit petits-enfants : tout le monde va bien !  » Beau portrait de rebelle, non ? Quoique… Dans le iPhone de Madame Salomon, en lieu et place de l’identité de son époux, il est mentionné « bad boy »… CQFD ?


*Une définition plus académique est donnée dans « Le traité de santé publique » (François Bourdilllon, Gilles Brucker, Didier Tabuteau - Edition Médecine-Sciences Flammarion - 2016) : la notion de prévention décrit l’ensemble des actions, des attitudes et comportements qui tendent à éviter la survenue de maladies ou de traumatismes ou à maintenir et à améliorer la santé.

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