« La chasse de tête est morte, vive la chasse de tête ! » C’est par un article un rien provocateur - et à ce titre remarquable en ces temps désespérément « politiquement corrects » - qu’Olivier Deslandes signe son arrivée au sein d’Adexis Solutions Suisse. A 49 ans, le natif de Boulogne-Billancourt, qui a bourlingué sur presque tous les continents, tourne une nouvelle page de sa vie professionnelle, et non la moindre, en franchissant le Rubicon qui sépare le monde des salariés de celui des entrepreneurs. Mais « alea jacta est ».
Naissance d’une vocation
C’est au sortir de l’EFAP (anciennement Ecole française des attachés de presse devenue Ecole des nouveaux métiers de la communication) qu’Olivier Deslandes prend conscience de sa vocation cachée : les ressources humaines. Le jeune communicant vient alors d’intégrer le département RH du groupe Bull pour s’occuper des relations avec les grandes écoles - voyons, n’y avait-il pas là, déjà, une sorte de chasse de tête déguisée ? Il découvre que les RH sont « le plus bel observatoire de l’organisation des entreprises : c’est de là que l’on recrute tous les collaborateurs » et, bien décidé à changer d’orientation, se forme à la fonction à l’Institut de Gestion Sociale. Suivront quelque 25 années de pratique dans l’industrie, le Med Tech et la finance.
Capitaine de paquebot
Il fait ses armes chez Novell, entreprise américaine d’informatique, à Paris d’abord puis aux USA, où il met en place tout le système informatique RH. Le bonheur, pour ce passionné de high tech ! Ce sera ensuite Boston, toujours aux States, pour une dizaine d’années chez Boston Scientific, entreprise de matériel médical non invasif, qui l’enverra bientôt à Singapour (où il rencontrera son épouse) puis au Japon, avec mission de fédérer les programmes RH des collaborateurs du groupe à l’étranger. Il garde un souvenir ému de ce passage en Asie et plus particulièrement au Pays du soleil levant. « J’ai adoré le Japon et sa richesse culturelle, qui fut pour moi une découverte de tous les jours. » Et même s’il ne possède de la langue nippone que les rudiments permettant de commander un café (et encore, sans comprendre la réponse du barman), il y retournera toujours avec le plus grand plaisir. De retour à Paris pour Boston Scientific, son ego se rappelle à son bon souvenir lorsqu’un chasseur de tête (non, ce n’est pas Sylvain Bertrand) lui propose le poste de DRH des marchés émergeants dans la banque de détail chez BNP-Paribas. Soit une petite division de 30 000 collaborateurs. Les marchés émergeants, ce sont les pays de l’Est, la Russie, le Maghreb, et encore l’Asie. C’est là qu’une collègue d’une autre division lui présente un chasseur de tête du genre baroudeur (oui, c’est bien Sylvain Bertrand) avec lequel il va beaucoup travailler du côté de l’Ukraine, la Tunisie, l’Egypte, la Lybie, notamment dans la... chaleur du Printemps arabe ! « Chez BNP-Paribas, j’étais le capitaine d’un gros paquebot, prestigieux mais lourd à manœuvrer. » Une nouvelle sollicitation tombe à point pour prendre la DRH de la banque privée Lombard Odier, à Genève, petit joyau de 220 ans d’existence, 2 200 collaborateurs, entreprise familiale, obédience protestante, et 8 associés rendant la gouvernance aussi atypique que complexe. « J’y ai pris conscience de la différence des relations qui s’entretiennent dans un grand groupe et dans une structure familiale. » Dans le même temps, il tombe amoureux de la Suisse. Pour prolonger cette charmante dilection et changer d’horizons sans changer d’air, il décide de rejoindre Sylvain Bertrand et Adexis Solutions Suisse, comme associé cette fois.
Braconniers et gardes-chasse
« Ma réflexion était la suivante : me remettre sur le marché pour un job de DRH ou faire autre chose. J’ai choisi de capitaliser sur mon expérience. » 50 ans - presque -, le bel âge pour passer de l’autre côté de la barrière ? En un peu plus de 25 ans de carrière, Olivier Deslandes a recruté des top players, participé à des rachats, des fusions d’entreprise ; il sait mieux que quiconque qu’une entreprise fonctionne d’abord avec ses hommes. Trouver ceux qui conviennent ici, les autres là, apporter conseils dans le recrutement, dans la transformation d’une organisation, c’est exactement ce qu’il sait faire. On n’ose ici évoquer l’adage selon lequel les meilleurs braconniers font les meilleurs gardes-chasse. Bien entendu, Olivier Deslandes n’a rien d’un braconnier. Mais l’esprit de la formule demeure. Dans un monde plus que jamais en mutation, l’ancien DRH a parfois souffert de l’étroitesse de vue de certains chasseurs de tête qui n’appréhendaient pas ces changements de paradigmes à leurs justes proportions. Connaître de l’intérieur la problématique du recrutement des entreprises permet d’y apporter des réponses efficientes. « Il y a aujourd’hui une grande spécificité des métiers. Or, on ne peut réussir qu’à travers les autres. Quand une entreprise échoue, c’est généralement que ses dirigeants ont eu un trop grand souci de la technicité et pas assez de l’humain. Chez Adexis, nous recherchons beaucoup de dirigeants. D’une part, nous devons accompagner nos donneurs d’ordre car le recrutement n’est pas quelque chose d’intuitif, et d’autre part, la capacité à convaincre, à transformer une organisation, que l’on recherche chez un candidat, n’est pas quelque chose que l’on modélise par un algorithme : nous travaillons sur l’humain ! »
Fugace vertige
Voilà donc le nouveau chasseur de tête à pied d’œuvre, qui jette un regard neuf sur le métier. Résumé en trois points : il faut connaître l’entreprise que l’on représente, en comprendre parfaitement sa stratégie ; il faut pratiquer l’intelligence économique et faire remonter à son client tous les éléments lui permettant de nourrir sa décision ; il faut que le chasseur de tête réfléchisse à la nature même de son « service » afin de le proposer au juste prix... Voilà aussi l’ancien salarié devenu entrepreneur. Olivier Deslandes avoue le caractère grisant de ce statut. Mais également « le grand saut dans le vide ». Preuve qu’à quelque niveau que ce soit, toute remise en cause, et la part d’inconnu qu’elle porte, suscite toujours un peu… d’émotion. Nul doute cependant qu’Olivier Deslandes, dont la calvitie, fût-elle précoce, tendrait à démontrer qu’il n’est pas un perdreau de l’année, n’ait déjà dépassé ce fugace vertige…